Sans contact visuel avec leur environnement et en plein « effet tunnel », ils peuvent au mieux se blesser en percutant une personne ou un mobilier urbain qu’ils croisent en marchant et au pire perdre la vie en se faisant renverser par un véhicule lorsqu’ils traversent la rue du fait de leur manque d’attention.
Les résultats alarmants de l’étude DEKRA
Selon l’étude menée par le centre de recherche en accidentologie de la société DEKRA dans 6 capitales européennes (Amsterdam – Berlin – Bruxelles – Paris – Rome – Stockholm), les résultats issus de l’observation sur le terrain montrent que les piétons sont de plus en plus distraits du fait de la consultation permanente de leur téléphone mobile, ce qui augmente considérablement les risques d’accidents en milieu urbain.
Ainsi, plus de 8 % des personnes observées ont traversé la rue en envoyant un SMS et 14,5 % n’ont pas même levé les yeux pour vérifier qu’elles pouvaient le faire sans danger. A Berlin, à Bruxelles et à Rome, ce sont 17 % des 14 000 piétons observés qui présentent un tel comportement à risque ; à Stockholm, on atteint même les 23,6 % et les jeunes urbains se révèlent être les plus impactés.
Les relevés ont été réalisés à des intersections fréquentées ainsi qu’à des passages piétons situés près du centre-ville, à des arrêts de transport public et près des gares, lieux où l’on enregistre les niveaux de densité piétons les plus élevés. Le phénomène ne doit donc pas être pris à la légère car il n’a plus rien d’anecdotique.
Les chiffres sont d’autant plus inquiétants qu’un décès sur dix est causé par le comportement inapproprié de ces piétons. Les statistiques concernant les accidents montrent que près de 22 % des personnes qui meurent au cours d’accidents de la circulation dans l’Union européenne sont des piétons et que la plupart sont tués dans les villes.
Les experts de DEKRA recommandent qu’en tant que piéton, lorsqu’on se trouve dans la circulation routière, une attention sans faille soit réservée au trafic pour préserver sa propre sécurité. Le risque est, en effet, plus élevé car le piéton est un utilisateur routier non protégé contrairement à un automobiliste. La distraction causée par l’utilisation des smartphones ne doit donc pas être sous-estimée.
Cette question fait partie des thèmes développés par DEKRA dans son rapport européen sur la sécurité routière. Doit-on s’orienter vers l’interdiction d’utiliser les mobiles dans la rue ? Une telle mesure s’avèrerait sans aucun doute des plus impopulaires. Pourtant, l’étude DEKRA fournit des éléments qui confortent cette position.
Quelques innovations urbaines et actions pour y remédier
Face à un tel constat, de nombreuses villes à travers le monde ont pris la décision d’engager des actions spécifiques ou de lancer des innovations urbaines pour tenter de modifier ces comportements dangereux ou du moins pour les prévenir et mieux les encadrer.
Séoul en Corée du Sud a été la première ville à se lancer avec la pose de nouveaux panneaux triangulaires jaunes entourés de rouge montrant deux personnes penchées sur un smartphone afin de mettre en garde les automobilistes. Dans la foulée, Stockholm a adopté cette nouvelle signalétique.
En Allemagne, à Augsbourg et également à Cologne, des rangées de LED ont été installées sur la chaussée le long des trottoirs près des lignes de tramway pour tenir compte de la position tête baissée des « smombies ». Il s’agit d’une expérimentation dont l’objectif consiste à alerter les piétons en émettant une lumière rouge clignotante à l’approche du tramway. Si ce dispositif s’avère efficace, il sera plus largement déployé.
En Belgique ainsi qu’à Stockholm, en Suisse et à Chongqing en Chine, la décision a été prise de séparer le trottoir en deux parties pour isoler les « smombies » des autres piétons (voir photo ci-dessus) afin d’éviter qu’ils ne se percutent.
La prévention routière de la police de Lausanne a quant à elle choisi de tourner un spot télé intitulé « Anastase : le tour de magie » qui privilégie l’humour noir pour faire passer un message fort auprès des « smombies » sur les risques encourus.
Aux États-Unis, il n’en va pas de même. Constatant que le nombre d’accidents impliquant des « smombies » a triplé ces dix dernières années, certains états comme le New Jersey appliquent désormais une amende à tout contrevenant qui regarde son smartphone plutôt que son chemin ou la rue qu’il traverse.
Pour autant, cela ne règle en rien la cause du problème puisque les intéressés continuent à utiliser leur smartphone dans la rue sans rien changer à leur comportement. Comme pour l’alcool au volant, il faut donc émettre des règles et faciliter leur appropriation. L’éducation reste à ce titre la meilleure des protections selon Thierry Baccino, professeur de psychologie cognitive des technologies numériques à l’université Paris 8 et directeur scientifique du Laboratoire des Usages en Technologies d’Information Numérique (LUTIN).
Cet article de DIGINOVE Consulting est également paru dans la Lettre hebdomadaire des TIC distribuée par notre partenaire, la Mission ECOTER, à ses adhérents.