La méthode a été pour la première fois présentée en 2008 par Richard Thaler, économiste à la Chicago University, et par Cass Sunstein, professeur de droit à Harvard, dans leur livre intitulé : « Nudge : La méthode douce pour inspirer la bonne décision ».
Une approche révolutionnaire
Les auteurs se sont inspirés des enseignements de l’économie comportementale qui associe les connaissances de la psychologie et du comportement humain à la science économique pour aborder différents sujets tels que la santé publique, l’épargne ou l’écologie et proposer des solutions originales qui fonctionnent vraiment bien.
En effet, contrairement aux idées reçues, l’être humain n’est pas un être rationnel. S’il l’était, il suffirait de lui présenter de bonnes incitations (gain de temps, moindre coût, danger pour la santé...) pour orienter sa décision et le faire changer de comportement, mais ce n’est pas le cas car nous sommes et restons sous l’influence de notre cerveau limbique, siège de nos émotions et de nos instincts.
C’est pourquoi le psychologue Daniel Kahneman a appelé le cerveau limbique « Système 1 » dans son livre « Système 1, système 2, les deux vitesses de la pensée ». Il résulte des travaux qui lui ont permis en 2002 de recevoir le prix Nobel d’économie. La rapidité, l’automatisme et la fainéantise caractérisent le système 1 et le font sauter directement aux conclusions sans faire appel à la logique ni à la réflexion. A contrario, le système 2 qui se situe dans le cortex se caractérise par sa conscience, sa lenteur et il consacre beaucoup d’énergie à prendre des décisions.
Cette approche révolutionnaire a bouleversé les politiques publiques puisque, dès 2009, Barack Obama n’a pas hésité à recruter Cass Sunstein pour piloter sa « nudge squad » et qu’en 2010, ce fut le tour du Premier ministre anglais, David Cameron, de créer une « nudge unit », en faveur du don d’organes, avec à sa tête Richard Thaler. C’est maintenant le tour de grands groupes privés de s’approprier la méthode pour l’intégrer à leur fonctionnement.
A cela, il y a deux raisons : l’efficacité redoutable de la méthode et son coût réduit. Et c’est bien là le paradoxe ! Comment une action a priori insignifiante et peu coûteuse peut-elle conduire à des effets comportementaux aussi conséquents ?
Des preuves surprenantes à l’appui
- L’histoire a commencé à Amsterdam par une expérimentation dans les urinoirs de l’aéroport de Schiphol. L’image d’une petite mouche était représentée au fond des urinoirs afin d’inciter les messieurs qui s’y rendaient à mieux diriger leur jet d’urine pour éviter les éclaboussures. Résultat : 80 % de dépenses de nettoyage économisées ! L’essai a été tellement concluant que d’autres aéroports ont adopté la formule (Hambourg, Singapour, Toulon...) avec parfois des adaptations concernant la cible (drapeau de golf, but de football...).
- Aux États-Unis, le lac Michigan est particulièrement réputé pour sa beauté. Cependant, c’est justement cela qui crée de graves problèmes de sécurité routière car les conducteurs qui empruntent la voie qui longe le lac sont tellement subjugués par le paysage qu’ils finissent dans le fossé et ce, malgré la signalétique qui avertit du danger. C’est pourquoi une approche « nudge » a été mise en œuvre. Elle consistait à tracer des lignes blanches perpendiculaires à la route en réduisant progressivement l’espace entre deux lignes au fur et à mesure de l’approche de la zone dangereuse. Résultat : 36 % d’accidents en moins parce que les marques au sol donnent aux conducteurs l’impression que c’est leur vitesse qui augmente et cela les incite à appuyer sur le frein.
- Dans la ville de La Verne en Californie, pendant un mois, une note a été chaque jour déposée sur la porte de 120 maisons pour informer leurs résidents du nombre de voisins qui participaient au recyclage des ordures et de la quantité d’ordures recyclées. Résultat : 19 % d’augmentation du taux de recyclage.
Cet article de DIGINOVE Consulting est également paru dans la Lettre hebdomadaire des TIC n° 440 distribuée par notre partenaire, la Mission ECOTER, à ses adhérents.