
Jusqu’en 2013, la très grande majorité des flottes de bus en Europe roulaient encore au diesel (soit 79 % contre une minorité de 1,2 % à l’électrique). Parmi les pays les plus engagés, la Grande-Bretagne s’est distinguée la première en passant à l’électrique, soit 18 % de la flotte européenne, suivie par les Pays-Bas, la Suisse, la Pologne et l’Allemagne (10 % chacun).
Par la suite, un peu partout en Europe, les opérateurs de transport et les autorités locales se sont mobilisés pour mettre en œuvre une stratégie en faveur de l’électromobilité afin de prendre en compte les problèmes de pollution, d’économie d’énergie et de santé publique dans les environnements urbains.
Des échéances différentes ont été envisagées pour y parvenir :
- A l’horizon 2020 pour 19 opérateurs et 25 villes. Au 10 janvier 2017, on comptait pour ce groupe 2 500 bus électriques sur une flotte totale de 40 000 (soit 6 %)
- A l’horizon 2025 pour 13 autres opérateurs et 18 autres villes. On compte pour ce groupe 6 100 bus électriques sur 14 000 (soit 43 %).
Cependant, ne nous leurrons pas, au-delà des véhicules, il s’agit également de mettre en œuvre les solutions les plus performantes pour la recharge des batteries lorsque les véhicules entreront en service (charge lente en dehors des heures d’exploitation et/ou charge rapide à certains arrêts) pour des coûts d’investissement et d’exploitation raisonnables.
Les pays de l’Europe (et la France en particulier) ont accumulé du retard au regard d’autres pays qui ont pris ces sujets à bras le corps. C’est aujourd’hui tout l’écosystème (autorités locales, opérateurs de transport, industriels...) qui subit cette perturbation de plein fouet pour n’avoir pas su assez tôt anticiper la question.
Focus sur la Chine
Au regard de ces chiffres et du calendrier prévu pour le déploiement des bus électriques, il convient de prendre en considération l’action engagée par la Chine. Par rapport à l’Europe et même au reste du monde, la Chine est très en avance dans la mise en œuvre de sa stratégie d’électromobilité. Elle représente, en effet, 98,3 % du marché et dispose de plus de 170 000 bus électriques en circulation.
Une telle réussite vient du fait que les opérateurs de transport bénéficient du soutien du gouvernement chinois qui a engagé un programme sans précédent intitulé « bus à nouvelle énergie » afin de produire 1,67 million de bus électriques entre 2010 et 2020. Ce programme prévoit également l’attribution de subventions et d’avantages fiscaux pour inciter les opérateurs à investir dans l’acquisition de nouveaux bus électriques et à renouveler rapidement leurs flottes (81 600 $ par véhicule).
La ville de Shenzen prévoit ainsi qu’à la fin de l’année 2017, l’intégralité de sa flotte, soit 16 500 véhicules, passera à l’électrique. A ce jour, c’est déjà le cas pour un peu moins de 5 000 d’entre eux.
Si l’on analyse les caractéristiques des bus chinois, on peut dire qu’ils sont techniquement supérieurs à ceux proposés par ailleurs dans le monde. Leur autonomie, sujet qui représente une des problématiques majeures pour les opérateurs de transport, est déjà bien meilleure que celle proposée par nos constructeurs : 250 km pour des bus équipés de moteur-roues (exemple : modèle BYD K9) et 330 km pour des bus standards de 12 m (exemple : CSR Times). Qui plus est, ils offrent le meilleur compromis prix – performance.
La Chine investit également dans des programmes de R&D visant à remplacer les actuelles batteries lithium-ion par des super condensateurs plus fiables et à augmenter l’autonomie des bus hybrides. Les temps de charge qu’elle propose sont plus courts et les bus disposent d’un système de récupération d’énergie au freinage, d’une meilleure accélération et d’une sécurité accrue.
Le fabricant chinois BYD, leader mondial des batteries lithium-ion diversifié dans l’automobile, a pu baisser considérablement ses coûts de production de bus électriques grâce aux volumes de ses ventes qu’il a multipliés par dix. En conséquence, un bus BYD K9 100 % électrique coûte 50 000 $ (soit ~ 46 650 €) moins cher que ceux de la concurrence. Par ailleurs, BYD dispose d’usines implantées en Europe et au Brésil, ce qui annonce l’arrivée prochaine et massive de ses produits sur les marchés occidentaux. Installé depuis peu près de Beauvais, il va y construire une usine de fabrication de bus électriques dont l’activité devrait démarrer au cours du 1er semestre 2018.
La mutation des transports publics de surface
Le bus autonome suivra avec un autre déploiement qui devrait démarrer dans les mêmes échéances 2020-2025. Il convient d’anticiper cette mutation car son arrivée va bouleverser considérablement la mobilité urbaine et les impacts socio-économiques et environnementaux qu’elle amènera seront conséquents :
- Baisse significative des coûts d’exploitation : elle se fera graduellement en fonction de la fiabilité du système de conduite autonome. A terme, elle conduira à la disparition des conducteurs à bord des véhicules, soit une baisse des coûts d’exploitation de l’ordre de 50 %
- Mutation professionnelle des personnels de conduite et nouveaux métiers : la disparition progressive de l’activité de conduite par des humains va nécessiter un accompagnement social le plus en amont possible, le lancement de formations de reconversion ainsi que l’embauche de personnels plus qualifiés pour couvrir les nouvelles activités
- Diminution des émissions de CO2 et santé publique : les bus autonomes et électriques vont contribuer à améliorer de manière très significative le bilan carbone des opérateurs de transport et, par là même, auront une incidence positive sur la santé des citoyens
- Une sécurité accrue : les capteurs et caméras embarqués à bord de ces nouveaux véhicules vont faire disparaître/diminuer fortement les risques d’accidents liés aux autres véhicules et aux piétons, mais également aux erreurs humaines des personnels de conduite
- Une conduite moins saccadée : les algorithmes appliqués à la conduite vont générer un plus grand confort pour les voyageurs en évitant les secousses au démarrage et à l’arrêt et favoriser ainsi une économie d’énergie grâce à l’éco-conduite
- Les coûts d’investissement et d’exploitation : ils risquent d’être très conséquents au lancement du déploiement d’autant qu’ils suivront ceux engagés précédemment pour le passage aux bus électriques, mais ils seront en partie compensés par la diminution des frais de personnel et des charges liées aux accidents d’exploitation courants.
A l’issue de ces deux révolutions, le mode bus se trouvera totalement régénéré et il est probable qu’un nouvel engouement voit le jour auprès des usagers, mais également auprès des non utilisateurs de ce mode qui vont, à cette occasion, redécouvrir le plaisir du transport de surface dans un environnement urbain beaucoup moins pollué.