Pendant longtemps, la logique de l’innovation fermée a été la seule qui a prévalu pour mettre en œuvre de nouvelles idées et les lancer sur le marché, ce qui a conduit les entreprises à investir massivement dans la R&D interne et à embaucher chèrement des personnes talentueuses. Etre le premier sur le marché, maximiser les bénéfices, protéger la propriété intellectuelle pour empêcher les concurrents d’exploiter leurs idées, voilà en quelques mots la recette qui a été privilégiée au cours du XXe siècle. Elle a porté ses fruits pour des produits industriels tels que l’ampoule électrique, les fibres synthétiques, les transistors et les lasers…
Dans le nouveau modèle de l’innovation ouverte, les entreprises commercialisent des idées internes aussi bien qu’externes en déployant des passerelles vers l’extérieur. Ainsi, certaines idées internes sont confiées à des sociétés qui vont apporter de la valeur ajoutée. Il peut s’agir de startups financées par l’entreprise elle-même, accueillant certains membres de son personnel ou de son écosystème et disposant d’accords spécifiques pour valoriser ses licences ou certains actifs dormants.
Mais les idées peuvent également provenir de l’extérieur par le truchement de plates-formes collaboratives ou de labs ouverts par l’entreprise et mis à disposition des clients, des employés, des chercheurs d’universités et de grandes écoles, des startups et même des concurrents (qu’on appelle pour la circonstance « coopétiteurs »), créant ainsi une communauté d’utilisateurs, d’acteurs et de créateurs bien plus importante que si l’entreprise s’était appuyée uniquement sur ses seules ressources internes. De plus, « il n’y a pas d’engagés, il n’y a que des volontaires ».
Ce modèle d’organisation a été utilisé entre autres par SUN, société cofondée par Bill Joy, dont l’acronyme signifie « Stanford University Network », par ORANGE qui anime un programme de startups partenaires, par LA POSTE qui a mis en place le PME-Nove et par GOOGLE qui encourage ses salariés à consacrer une partie de leur temps de travail au développement de leurs propres idées !
Les idées les plus prometteuses seront ensuite reprises par l’entreprise pour les développer, les commercialiser et les distribuer sous forme de produits et de services innovants et durables en parfaite adéquation avec les besoins, attentes et contraintes du marché. En d’autres termes, la frontière entre une entreprise qui pratique l’Open Innovation et son environnement (on parle aussi d’écosystème) devient de plus en plus poreuse, ce qui permet à l’innovation de se déplacer plus facilement de l’un vers l’autre.
Il faut cependant être en mesure de détecter les pépites ! Souvenons-nous de l’interface utilisateur graphique (GUI) imaginée par les chercheurs du centre de recherche de XEROX. Alors que cette invention n’avait pas été jugée intéressante par les entreprises de XEROX, plus focalisées sur la recherche de solutions pour les photocopieuses et les imprimantes à grande vitesse d’impression, d’autres entreprises comme APPLE en premier avec son système d’exploitation pour le Macintosh, puis MICROSOFT en second avec son système d’exploitation Windows, ont su avantageusement récupérer cette interface pour en tirer pleinement profit. Ce faisant, tous deux ont ouvert la voie à de nouveaux clients et à de nouveaux marchés grâce à leurs produits et services innovants.
Enfin, en matière de modèles d’affaires adaptés à l’innovation ouverte et collaborative, le livre publié en 2006 par Henry Chesbrough constitue une bonne base de réflexion. Il propose un outil permettant d’établir un diagnostic sur le modèle d’affaires actuel de votre entreprise et explique comment surmonter les barrières habituelles pour parvenir à un modèle plus ouvert. IBM et Procter&Gamble sont des exemples très convaincants d’entreprises qui ont su développer avec succès ces modèles d’affaires adaptés à l’Open Innovation.
Par ailleurs, il est intéressant de noter que de nouveaux acteurs, les « intermédiaires en innovation » qui sont des entreprises telles que Intellectual Ventures et Qualcomm, ont entre-temps fait leur apparition. Leur rôle consiste à faciliter aux entreprises l’accès à des technologies externes et leurs modèles d’affaires sont centrés sur l’innovation et la propriété intellectuelle.
L’innovation ouverte et collaborative n’est pas une opération aisée à gérer pour les entreprises peu habituées à animer des communautés et dont les mentalités restent encore fortement imprégnées par leurs anciennes méthodes. Les parties prenantes de ces communautés sont, en effet, à même de partir à tout moment pour rejoindre une autre communauté plus attractive dès lors que les valeurs ou les axes de recherche ne correspondent plus aux leurs. Impliquer l’intelligence collective dans un processus d’innovation est devenu désormais un enjeu stratégique pour les entreprises qui doivent apprendre à motiver, recueillir et valoriser la créativité individuelle.