Le premier constat à tirer est que le taux d’échec des nouveaux produits et services est très élevé et, selon le cabinet américain Booz Allen, 70 % des produits lancés ne sont plus commercialisés après seulement 2 ans d’existence. Le phénomène est courant et bien connu et ce quel que soit le domaine d’activité.
Les produits et services échouent la plupart du temps parce qu’ils ne répondent pas à un ou à plusieurs des critères suivants :
1. La « Désirabilité », ce qui signifie non seulement l’adéquation de ces produits et services aux besoins, attentes et contraintes de la cible clientèle visée, mais également le vécu d’une expérience client mémorable, engendrant du plaisir et de la satisfaction et dévoilant des éléments forts de différenciation par rapport aux offres des concurrents
2. La « Faisabilité », c’est-à-dire la capacité à réaliser des produits et services tant fonctionnellement que techniquement dans un avenir prévisible et à les faire utiliser de manière intuitive, aisée et « sans couture » en privilégiant une bonne qualité de service de bout en bout
3. La « Durabilité », ce qui correspond à la capacité pour ces produits et services à évoluer dans le temps pour s’adapter plus facilement à la demande des clients, à être maintenables tout au long de leur cycle de vie et recyclables en fin de vie, mais aussi à s’intégrer dans un modèle économique durablement.
>> 3 critères à respecter pour éviter l’échecAinsi, Apple dont tout le monde s’accorde à dire qu’il s’agit d’une société innovante par excellence a connu de multiples échecs pour n’avoir pas pris en compte certains de ces critères à plusieurs reprises, notamment avec l’Apple III, le Lisa, le Macintosh portable, le Newton Message Pad, l’Apple Bandai Pippin et le PowerMac G4 Cube. Tous ces produits ont dû être retirés de la vente du fait d’un mauvais fonctionnement, d’un défaut de conception, d’un prix trop élevé, d’un matériel trop précurseur ou d’un marché déjà bien occupé par la concurrence.
>> De nouvelles méthodes d’analyse pour identifier et valider les besoins client
Contrairement aux idées reçues, la différenciation des produits et services, si elle est essentielle pour se démarquer de la concurrence, n’est pas pour autant suffisante pour assurer leur succès au lancement sur le marché. Seuls les nouveaux produits et services qui procurent un réel bénéfice client tireront leur épingle du jeu. Il est de ce fait primordial de bien identifier les besoins des consommateurs avant de se lancer dans cette aventure à haut risque.
La plupart des organisations utilisent encore des méthodes classiques d’études de marché pour cela. Il s’agit d’enquêtes clientèle ou de focus groupes qui sollicitent des consommateurs afin qu’ils donnent leur avis sur certaines fonctionnalités pour des produits et services à venir alors que ces mêmes consommateurs éprouvent déjà des difficultés à exprimer leurs besoins ou même à imaginer des améliorations à apporter sur des produits existants...
On peut donc s’interroger sur la pertinence de telles approches qui piègent plutôt les entreprises dans le développement incrémental de produits « me-too », autrement dit la copie plus ou moins élaborée d’un produit ou d’un service déjà existant développé par un concurrent.
C’est pourquoi certaines entreprises ont de plus en plus recours à de nouvelles méthodes d’analyse faisant appel à la psychologie et à l’anthropologie afin de faire remonter à la surface les besoins cachés des consommateurs et d’avoir une meilleure compréhension du marché : il s’agit de l’analyse répertoriée, de l’étude de marché ethnographique et des groupes de travail incluant des lead users.
Développée par des psychologues, l’analyse répertoriée offre un moyen de comprendre comment les individus pensent et permet de découvrir leurs cartes cognitives. Cette technique est idéale pour développer de nouvelles idées de produits. Elle utilise des questions indirectes et stimule les consommateurs pour comparer et confronter leurs expériences concernant des produits existants. Grâce au processus de comparaison et de contraste, les besoins cachés des consommateurs sont ainsi révélés.
L’étude de marché ethnographique s’appuie quant à elle sur des méthodes scientifiques développées en anthropologie pour comprendre la culture. L’approche consiste à filmer les utilisateurs en train d’utiliser des produits existants, puis de procéder à une analyse approfondie de ce qui a été observé et de ce qu’ils ont dit. Souvent ce sont les contradictions entre ce que les consommateurs disent qu'ils font et ce qu'ils font réellement qui fournissent le plus de pistes intéressantes à explorer.
Enfin, les groupes de travail intégrant des lead users permettent aux équipes projet de l’entreprise de travailler avec ces utilisateurs précoces qui recherchent activement des solutions à des problèmes identifiés. Leur expertise et leur implication permettent d’apporter des améliorations importantes, voire même de contourner certaines limitations. L’entreprise peut également leur fournir une « boîte à outils » afin qu’ils puissent matérialiser des pistes à développer.
Dès lors qu’une piste sera jugée prometteuse, un démonstrateur du produit ou du service sera réalisé et testé pendant une durée courte (6 mois environ) afin notamment de :
- Vérifier qu’il apporte bien la réponse attendue aux besoins des consommateurs
- Qualifier les choix technologiques retenus
- Évaluer sa résistance aux contraintes en situation réelle
- Valider la robustesse du business model envisagé
- Et identifier des partenaires potentiels avec qui partager les risques.
Au regard des résultats obtenus, des ajustements relatifs à ces différents points seront réalisés avant de procéder au lancement sur le marché.
En résumé, cela signifie que pour avoir une chance d’aboutir à un produit ou service innovant, le processus d’innovation comporte 5 étapes qui doivent être franchies successivement :
- La première concerne pour l’entreprise à faire preuve d’une réelle empathie pour le consommateur en le mettant au centre de ses préoccupations et en le faisant participer activement à l’ensemble du processus d’innovation
- La seconde a pour objet la définition du problème en procédant à son analyse systémique par des équipes pluridisplinaires internes et externes et des lead users de façon à être le plus exhaustif possible et à générer un maximum d’interactions entre les participants
- La troisième va être orientée vers la production d’idées à partir de toute la connaissance accumulée et partagée au cours des deux étapes précédentes. Ces idées seront alors confrontées aux 3 critères de désirabilité, de faisabilité et de durabilité et l’une d’entre elles sera retenue par le groupe pour être testée en situation réelle
- La quatrième va permettre de concrétiser l’idée retenue en réalisant un démonstrateur qui va représenter la synthèse du travail de l’équipe projet
- La cinquième a pour but de tester l’idée retenue en la confrontant à de vrais utilisateurs et dans des conditions de fonctionnement réelles afin d’en retirer au bout d’une période prédéterminée tous les enseignements utiles pour préparer le lancement du produit ou du service.